Dès mon plus jeune âge, les médecins m’ont dit que je mourrais avant d’avoir atteint l’âge de dix-sept ans. J’ai grandi à Trinité-et-Tobago; là-bas, les professionnels de la santé ne comprenaient pas vraiment mon état. Même mes proches pensaient que j’étais faible lorsque j’avais besoin d’aller à l’hôpital après une journée à la plage. Ils ne comprenaient pas la profondeur de mes souffrances. Je n’ai pas le contrôle de ma douleur et me blâmer ne fait que diminuer mon estime de soi. Parfois, je me demandais : quelle est ma raison de vivre? Dans ces moments sombres, je me sens privilégiée d’avoir eu ma mère qui m’a toujours poussée à aller plus loin, et qui a développé mon attitude consistant à toujours vouloir mieux pour moi-même. Elle m’a aidée à comprendre que le fait de souffrir d’anémie falciforme ne signifiait pas que je devais mettre ma vie en suspens. Ma mère m’encourageait à sortir avec des amis, même si cela supposait que j’aurais mal le lendemain, car au moins j’avais pu m’amuser. Elle m’a fait prendre conscience que je suis tellement plus que ma maladie, ce qui m’a donné la confiance nécessaire pour devenir coiffeuse et venir m’installer au Canada.
Le système de santé de Trinité-et-Tobago a dix ans de retard. À l’hôpital, je dormais sur les genoux de ma mère ou sur des tables pendant trois jours d’affilée. L’hydroxyurée était chère et ma famille a essayé de donner du sang pour moi lorsque j’ai subi une ablation de la vésicule biliaire. Lorsque je suis arrivée au Canada, la qualité de mes soins de santé s’est grandement améliorée, mais j’ai commencé à faire face à de nouvelles difficultés : le racisme et la discrimination de la part des professionnels de la santé. Une fois, un médecin du service des urgences que je ne connaissais pas m’a dit qu’il ne me verrait plus la prochaine fois que je viendrais à l’hôpital, laissant entendre qu’il croyait que j’étais en quête de drogues. Mon niveau de stress a augmenté, ce qui m’a plongé dans une crise encore plus grave, car ils faisaient toutes ces suppositions quand ils ne me connaissaient pas. Ils ont fait que j’ai eu peur de venir aux urgences la fois suivante où j’ai eu une crise de douleur.
Ces dernières années, mon fils est mon ancre. Je sais que mon anémie falciforme l’a beaucoup affecté. Quand il était plus jeune, je devais l’emmener avec moi à l’hôpital ou être éloignée de lui pendant quatre ou cinq mois d’affilée pendant que j’étais soignée. Il rentrait de l’école en pleurant, quand ses amis lui disaient que sa mère allait mourir. En 2010, mes poumons se sont affaissés, et on a commencé à me donner de l’oxygène. Mon fils, qui n’avait que 10 ans à l’époque, rentrait de l’école, inquiet pour moi. La nuit, il quittait son lit pour venir voir si j’allais bien et je devais lui dire : « C’est moi la maman ici, tu es le bébé ». Il a toujours été là pour moi. Chaque jour, je veux lui montrer que même si c’est difficile, je continue à me battre. À cela, il répond : « Personne ne devrait avoir à se battre aussi durement dans la vie ». En grandissant, il est devenu la personne la plus formidable qui soit et dont je suis très fière. Mon fils est celui auquel je me raccroche dans les moments où j’ai envie d’abandonner; grâce à lui, je me rends compte que la vie a tellement plus à offrir.