La promesse de l’avenir : Entretien avec un expert de l’anémie falciforme, le Dr Isaac Odame
L’anémie falciforme a toujours été présente à l’esprit du Dr Isaac Odame. Après avoir vu plusieurs de ses amis et parents souffrir de cette maladie, il a choisi de combiner son amour de la pédiatrie et sa passion pour le traitement de l’anémie falciforme — et de suivre une formation d’hématologue pédiatrique.
Le Groupe de sensibilisation à l’anémie falciforme de l’Ontario (GSAFO) a eu le plaisir de s’entretenir avec le Dr Odame de l’état du traitement de l’anémie falciforme, de la recherche et de l’avenir.
Dr Isaac Odame
Quelles sont les avancées relatives à l’anémie falciforme que vous avez connues au cours de votre carrière?
Tout au long de sa carrière, il a assisté à des avancées majeures dans le domaine de l’anémie falciforme. De grands progrès ont été réalisés dans la détection précoce de l’anémie falciforme à la naissance. Des mesures préventives ont été mises en place bien avant que l’enfant ne présente des manifestations physiques de la maladie. Au moyen d’interventions à visée éducative, il a assisté à une meilleure sensibilisation des parents à l’anémie falciforme et aux moyens de détecter les manifestations de la maladie, ce qui a permis de réduire les cas de maladie et de mortalité précoces chez les personnes atteintes d’anémie falciforme. De plus, la capacité à détecter le risque d’accident vasculaire cérébral — l’une des complications les plus dévastatrices chez les enfants atteints d’anémie falciforme grave — a également connu des avancées majeures. Grâce à l’examen au doppler transcrânien, il est possible d’identifier les personnes présentant un risque d’accident vasculaire cérébral, auquel il est ensuite possible de remédier par un traitement à base de transfusion sanguine et d’hydroxyurée.
Les progrès dans le domaine de l’anémie falciforme ne se sont pas limités à la détection, mais ont vu des améliorations majeures dans les traitements offerts, allant d’une utilisation plus vaste du traitement à l’hydroxyurée à la greffe de moelle osseuse et aux thérapies génétiques émergentes. Le traitement à l’hydroxyurée n’a jamais été aussi facile, les patients et les familles étant conscients des avantages du traitement et de la facilité de sa prise — puisqu’il suffit de prendre la pilule une fois par jour. Il y a également eu quelques progrès dans les traitements curatifs tels que les greffes de moelle osseuse. Bien que seules quelques familles aient la chance d’avoir un autre membre de leur famille qui soit un donneur parfaitement compatible, le Dr Odame a été témoin des progrès réalisés dans le domaine médical pour rendre la procédure moins intensive, tout en améliorant les protocoles de sécurité et la tolérance de la greffe. Ces progrès ont permis de rendre ce traitement de plus en plus accessible aux patients atteints d’anémie falciforme. Toutefois, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour poursuivre les améliorations dans ce domaine, comme le test des familles pour identifier les frères et sœurs compatibles.
Des recherches supplémentaires doivent être menées pour développer d’autres médicaments pour lutter contre l’anémie falciforme, afin que ces médicaments vitaux puissent être distribués sur le marché plus rapidement. À l’heure actuelle, plus de vingt médicaments sont à l’étude, ce qui laisse entrevoir la promesse de différentes options médicamenteuses, potentiellement plus efficaces, pour les patients qui souffrent d’anémie falciforme. Le Dr Odame a également discuté du potentiel de la thérapie génique — un nouveau traitement futur ciblant l’anémie falciforme. Grâce à ce traitement, les patients atteints d’anémie falciforme n’ont pas besoin d’un donneur : leurs cellules souches peuvent être utilisées, modifiées et servir au traitement. Cela augmenterait les possibilités d’accès des patients aux soins, et en cas de succès, l’anémie falciforme pourrait bientôt devenir une maladie curable.
Quelles difficultés avez-vous constatées dans le traitement de l’anémie falciforme?
Cependant, malgré ces nouvelles avancées palpitantes dans les traitements de l’anémie falciforme, les soins sont encore semés de difficultés. Il peut être difficile d’accéder aux médicaments contre la douleur dans les services d’urgence. Bien que les médicaments contre la douleur soient efficaces, de nombreux patients ne sont pas en mesure d’accéder rapidement à ces médicaments. En outre, le racisme systémique peut exacerber la souffrance des patients atteints d’anémie falciforme en posant des obstacles à l’obtention de soins de la plus haute qualité pour les patients atteints d’anémie falciforme. Des efforts supplémentaires sont nécessaires non seulement pour sensibiliser les professionnels de la santé à l’anémie falciforme, mais aussi pour que toutes les familles et tous les patients soient pris en charge dans le cadre d’une approche holistique dans le traitement d’une personne atteinte d’anémie falciforme. Il est extrêmement important d’accroître l’intérêt pour la recherche sur l’anémie falciforme et d’aborder les déterminants sociaux de la santé pour commencer à combattre le rôle du racisme systémique dans les soins des patients atteints d’anémie falciforme.
Pourtant, bien que nous soyons confrontés à de nombreux obstacles dans le traitement de l’anémie falciforme ici au Canada, c’est dans les pays à faible revenu du monde entier que le fardeau de l’anémie falciforme est le plus lourd. Bien que de nombreux traitements soient accessibles chez nous, ces « solutions » ne sont pas toujours applicables dans les pays à faible revenu. Pour trouver des moyens d’améliorer les soins liés à l’anémie falciforme dans ces pays, le Global Sickle Cell Disease Network a été créé. Créé en 2009, ce réseau est composé de cliniciens de pays à revenu faible, moyen et élevé, et a pour but de faire progresser les soins cliniques dans les pays à faible revenu. Chaque année, ils réunissent des personnes pour discuter de sujets précis liés à la santé globale liée à l’anémie falciforme. Et jusqu’à présent, ils ont obtenu un certain succès à accéder au traitement des patients atteints d’anémie falciforme dans toute l’Afrique. Les cartes mondiales des centres de traitement qui fournissent un traitement à l’hydroxyurée sont accessibles au public, ce qui signifie que même les personnes de passage peuvent facilement repérer les centres qui offrent un traitement adéquat en Afrique.
Qu’est-ce que le manuel clinique de l’Ontario?
Le Dr Odame voit la promesse de l’avenir. Et il prévoit de commencer à tenir cette promesse en s’efforçant de normaliser les soins de l’anémie falciforme de manière générale, en se concentrant sur la gestion des crises de douleur aiguë. Il a coprésidé un comité composé de cliniciens spécialisés en anémie falciforme, de travailleurs paramédicaux, de patients et de défenseurs des droits des patients, afin de lancer ce manuel clinique et de veiller à ce qu’il soit mis en œuvre dans le cadre des soins prodigués aux patients atteints d’anémie falciforme. Ce manuel irait au-delà des soins dispensés à l’hôpital, mais guiderait également les patients sur les soins continus : ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils rentrent chez eux après un séjour à l’hôpital, et des liens avec les centres de traitement de l’anémie falciforme comme solution de rechange aux services des urgences. Des organismes comme le GSAFO peuvent utiliser ces informations pour habiliter les patients afin qu’ils puissent réclamer les soins dont ils ont besoin et qu’ils méritent.
Bien que ce manuel ait fourni des conseils inestimables à des personnes dans tout le pays, il faudrait qu’il soit davantage mis en œuvre dans tout le pays. Comment cela peut-il être fait? Le Dr Odame émet l’hypothèse que des outils de promotion puissants, comme faire pression sur les hôpitaux, pourraient faire la différence. Bien que cela ne soit pas sûr à cent pour cent, une chose est certaine : l’anémie falciforme est une maladie pour laquelle des progrès sont enfin réalisés, mais qui nécessite encore du travail. Pour le Dr Isaac Odame, ce travail est une vocation à laquelle il consacre sa vie.