Avant d’être enceinte de mon premier enfant, je ne savais pas grand-chose de l’anémie falciforme, si ce n’est que cette maladie semblait plutôt associée à la communauté noire. Je n’avais jamais entendu dire qu’un membre de ma famille était atteint de la maladie ni aucun ami ou connaissance. Mon seul point de référence était que « T-Boz » du groupe féminin de musique Rythm and blues TLC, très populaire dans les années 90, en était atteinte. Je me souviens l’avoir vue dans l’émission The Oprah Winfrey Show parler franchement de son diagnostic de la maladie à l’âge adulte et de l’impact que cela a eu sur sa vie. À l’époque, mon ignorance ne me permettait pas de saisir à quel point la maladie pouvait être débilitante. Après tout, je me disais qu’elle était une superstar prestigieuse et ravissante et que ça ne pouvait pas être si grave.
Lors de mon examen de grossesse au septième mois chez mon gynécologue, j’ai appris que j’étais porteuse du trait de thalassémie et que mon conjoint devrait subir un test pour vérifier s’il présentait des traits génétiques qui pourraient faire en sorte que notre bébé naisse avec l’anémie falciforme. Comme beaucoup de Canadiens noirs, je ne savais même pas que j’étais porteuse d’un tel trait. En bref, son père a été testé positif pour le trait drépanocytaire. On m’a alors dit que mon bébé avait 25 % de risques de naître avec la maladie. À sept mois, elle a été officiellement diagnostiquée comme étant atteinte de bêta-thalassémie. Cela nous a brisé le cœur d’entendre ça. Je me souviens avoir ressenti un sentiment de trépidation et d’incertitude en sortant du cabinet du médecin. Accablée par son diagnostic, j’ai immédiatement été submergée de questions sur sa qualité de vie. J’ai commencé à penser à sa mortalité au moment même où je venais tout juste de me réjouir de l’avoir dans ma vie. Je craignais que sa vie d’adulte ne soit écourtée de manière brutale. Je pensais que son état de santé réduirait sa capacité à vivre une enfance bien remplie et significative comme les autres enfants. J’ai essayé de lire et de m’instruire autant que possible pour comprendre comment mieux prendre soin d’elle et me préparer émotionnellement et mentalement à ces futures crises de douleur.
Jusqu’à l’âge de 4 ans, elle avait déjà subi une splénectomie, de nombreuses transfusions sanguines et des hospitalisations pour soigner de graves douleurs osseuses. Sans compter qu’elle avait subi un AVC silencieux. Aujourd’hui, je suis heureuse de dire que je suis la mère d’une fille de neuf ans pleine de vie. Elle suit régulièrement des cours de natation, a participé à plusieurs séances de soccer et de gymnastique, a participé à sa première compétition de cross-country l’automne dernier et envisage de participer à une épreuve d’athlétisme pendant la présente année scolaire. Je crois qu’en tant que parents, nous devons éviter que nos enfants soient définis par leur maladie ou qu’ils soient étiquetés ou stigmatisés par la perception qu’en ont les autres.
Avoir un enfant atteint d’une maladie chronique est extrêmement difficile. L’anémie falciforme est une maladie qui dure toute la vie et qui met la vie en danger. Le traitement est continu, car il n’existe pas de remède. Même si son diagnostic m’a fait vivre dans un état constant d’hypersensibilité et d’anxiété, je suis extrêmement optimiste quant à son avenir. En tant que mère, je lui apprends à être à l’écoute de son corps, à manger sainement et à faire de l’exercice, tout en apprenant à défendre ses propres intérêts. Il m’a été plus facile de prendre soin de Nevaya en maintenant un contact étroit avec son équipe de soins et les différents professionnels de la santé du Sick Kids Hospital.
Ce qui m’a également donné de la force et la capacité de faire face à la situation, c’est mon lien avec des groupes communautaires tels que le Groupe de sensibilisation à l’anémie falciforme de l’Ontario (GSAFO). Grâce au bénévolat actif au sein du GSAFO, j’ai noué plusieurs relations avec d’autres parents et patients, grâce à notre expérience commune et à notre compréhension de la maladie. Cette camaraderie m’a permis de me sentir moins isolée et moins seule, même si je suis la seule à m’occuper d’elle. J’encourage les autres parents à participer activement dans le GSAFO et d’autres organismes, afin que nous puissions être proactifs dans la promotion d’une meilleure norme universelle de soins pour tous les patients atteints d’anémie falciforme au Canada. Une voix unie a toujours plus d’impact et de résonance sur ceux qui détiennent le pouvoir d’influencer le changement dans notre système de santé.
Je demande que la prochaine génération de médecins et d’infirmières reçoive une formation meilleure et plus approfondie, qui transmette le sentiment d’urgence et la compréhension nécessaires pour traiter les patients atteints d’anémie falciforme comme Nevaya.
Les patients en crise ont besoin d’un traitement urgent dispensé par un personnel médical compétent. En travaillant ensemble à une meilleure sensibilisation, nous contribuerons à résoudre les problèmes de suivi des soins que connaissent les adolescents lorsqu’ils sont appelés à assumer eux-mêmes la responsabilité médicale, auparavant assumée par leurs parents.
Je suis mère célibataire de deux enfants et ancienne enseignante du secondaire qui cherche à entreprendre un deuxième cycle d’études pour obtenir une maîtrise en psychologie de l’orientation. Rien ne me comblerait plus que d’aider davantage les personnes et les familles au sein de la communauté de l’anémie falciforme, et plus particulièrement les adolescents. Malgré les problèmes de santé de ma fille, je lui permets d’être l’enfant qu’elle veut être en faisant un effort conscient pour ne pas la traiter différemment malgré son diagnostic. Son avenir est brillant, elle le sait et je le sais aussi!
Message aux décideurs :
En tant que parent, je réclame une norme universelle de soins dans tous les hôpitaux du Canada, afin que ma fille ne soit pas victime des mêmes préjugés raciaux et de la même discrimination que subissent actuellement les adultes atteints d’anémie falciforme. L’amélioration de l’expérience des patients adultes atteints d’anémie falciforme aux urgences sera inextricablement liée à l’éducation, à l’empathie et à la compréhension de la prochaine génération de médecins et d’infirmières. Je sais que le GSAFO continuera à lutter pour que cela se réalise.