On m’a diagnostiqué l’anémie falciforme à l’âge de trois mois. Comme beaucoup d’autres personnes atteintes d’anémie falciforme, mon parcours a été caractérisé par de fréquentes hospitalisations, de multiples interventions chirurgicales et des crises de douleur récurrentes. La gravité de mes épisodes de douleur était telle que j’étais réadmis à l’hôpital quelques jours après ma sortie. Il est arrivé que je sorte de l’hôpital le matin et que je sois réadmis le soir même. En plus d’une chirurgie d’ablation de la vésicule biliaire due à des complications liées à l’anémie falciforme, j’ai subi deux chirurgies de la hanche. Ma dernière chirurgie a été le remplacement complet de la hanche effectué quelques jours après mon 28e anniversaire. Étant donné la détérioration continue de mon autre hanche, je pense qu’un autre remplacement de la hanche sera bientôt nécessaire.
L’un des plus grands obstacles de mon parcours avec l’anémie falciforme a sans doute été de traverser les grandes transitions de la vie. Je considère encore ma transition de l’école secondaire au collège comme une « expérience de mort imminente » inoubliable. C’était une période d’angoisse profonde, et je ne pensais pas que j’aurais survécu. L’entrée dans le monde du travail a également été difficile. Je me souviens avoir appelé mon superviseur pour lui dire que j’avais eu une crise d’anémie falciforme et que j’étais chez le médecin. Il a répondu : « Je te donne jusqu’à 11 h » pour arriver au travail. Ensuite, mon déménagement de la Jamaïque au Canada à l’âge de 24 ans a également été très difficile. J’ai atterri au Canada le 14 juillet et j’ai été hospitalisé le 16 juillet. Après avoir reçu mon congé quelques jours plus tard, je suis retourné à l’hôpital la semaine suivante. Ce cycle s’est répété au point que j’étais à l’hôpital une fois par mois pendant les deux premiers mois suivant mon arrivée. Ce n’est qu’en janvier de l’année suivante que j’ai constaté un soulagement notable de la douleur ou une réduction des hospitalisations. Cette période a vraiment été la plus sombre de ma vie. J’ai dû faire face à de nombreux facteurs de stress physique et mental cumulés dans un nouvel environnement. En plus de m’ennuyer de mes amis et de ma famille en Jamaïque, j’ai eu du mal à concilier le désir de réaliser mes objectifs professionnels et celui de surmonter les obstacles à la réussite imposés par l’anémie falciforme. La tension entre les deux m’a laissé un sentiment de découragement et m’a donné l’envie d’abandonner toute possibilité de réussir ma carrière. Néanmoins, je suis parvenu à surmonter cet inconfort. À ce moment-là (et même encore aujourd’hui), j’avais la conviction que ma vie, et tout ce que j’allais rencontrer, s’inscrivait dans le plan parfait de Dieu.
Je me sens extrêmement privilégié de pouvoir compter sur un solide réseau de soutien composé de ma partenaire compatissante, d’une famille aimante et d’amis formidables qui comprennent ce que je vis. Grâce à ma foi en Dieu, je profite d’un emploi gratifiant à horaires flexibles et d’une carrière universitaire épanouissante en tant qu’étudiant au doctorat. Bien que je continue à souffrir d’épisodes de douleur, j’ai appris à mieux les gérer. Cependant, même si la douleur physique se résorbe plus rapidement, je trouve que la douleur émotionnelle, y compris la tristesse extrême, la faible motivation et les tendances au repli sur soi, persiste. Cela entraîne certainement de mauvaises journées, mais je suis fier de faire un effort conscient pour recadrer mon expérience d’une manière positive. Je persévère parce que ma vie a un sens.